Ouaco est le cœur historique de la Société minière du Sud Pacifique (SMSP) jadis une propriété de la famille LAFLEUR qui exploitait à proximité un domaine minier appartenant à la SLN dont elle est amodiataire jusqu’en 2000. Le village de Ouaco s’est érigé au début des années 1900 autour de la conserverie de viande de bœuf construite par la Société d’élevage de Ouaco qui possédait le plus grand cheptel de Nouvelle-Calédonie sur un immense domaine de plusieurs milliers d’hectares.
Après avoir racheté la Société de Ouaco, Henri LAFLEUR se lance dans l’activité minière sur les massifs de Ouazanghou puis sur celui de Taom en 1969, exploitant des concessions de la SLN. La plupart des familles qui étaient installées dans le village et travaillaient dans l’élevage y restèrent en s’adaptant à la nouvelle vocation du site. C’est donc là que la SMSP s’est constituée en 1969 lorsque la famille LAFLEUR a souhaité faire appel à de nouveaux actionnaires. Elle a été rachetée, ainsi que l’ensemble du village, par la SOFINOR en 1990, après la signature des Accords de Matignon, et a poursuivi l’activité d’extraction au profit de la SLN et de clients étrangers à l’exportation.
La Société Minière du Sud Pacifique, un tâcheron exposé aux risques du marché
La Société minière du Sud Pacifique, fondée par la famille LAFLEUR, a vu le jour à Ouaco en 1969, où elle exploite un domaine minier appartenant à la Société Le Nickel (SLN). Elle sera amodiataire jusqu’en 2000. Lors de son rachat (85% du capital) par la SOFINOR, la SMSP est donc un « tâcheron » dépourvu de domaine minier dont l’activité consiste à exploiter, moyennant paiement de redevances, des gisements appartenant à la SLN.
La SMSP ne possède alors aucun canal commercial direct de vente, elle est tributaire des traders et des sociétés exportatrices locales, auxquels elle verse des commissions. Bien que rentable en période de « boom », dès la première chute durable des cours du nickel, l’entreprise est exposée au dépôt de bilan. Pour autant en 1990, la SMSP réalise un chiffre d’affaires de 1,2 milliards XPF en exportant 309 000 tonnes de minerai et en employant 120 personnes. Elle ne dispose alors que de trois ans de réserves minières destinées aux livraisons à la SLN et aux exportations.
• 1990 et 1994 : Chute des cours du nickel
Le début des années 1990, est marqué par la chute des cours mondiaux du nickel au London Metal Exchange (LME) qui passent d’une moyenne de 4 USD la livre en 1990 à 2,4 USD la livre en 1994. La perte de valeur du dollar américain associé à la baisse du prix de vente impacte durement le marché calédonien qui vend à perte.
• Conclure des contrats commerciaux directs : mettre fin aux commissions
La nouvelle priorité est de négocier de nouveaux contrats commerciaux, et de limiter les commissions versées aux intermédiaires commerciaux. Dès 1991, la SMSP a établi de nouveaux accords commerciaux directs d’exportation vers les fondeurs, lui permettant d’éliminer les commissions.
• Constitution d’un patrimoine minier
L’autre stratégie de la SMSP est de se constituer son propre patrimoine minier pour pérenniser son activité minière et ses accords commerciaux. Un important programme de prospection est mené et permet de sécuriser 20 millions de tonnes de réserves exploitables. Afin de sauvegarder sa ressource, la SMSP prend également la décision de cesser la vente de son minerai haute teneur.
1er exportateur de minerai calédonien
Fin 1994, les cours du nickel au LME se redressent grâce à une augmentation de la demande. La SMSP possède des réserves suffisantes et la capacité technique de répondre à la demande. Elle double son volume d’exportations entre 1994 et 1995, et passe la barre des 2 millions de tonnes exportées.
Le nickel calédonien regagne ainsi 50% des parts du marché japonais et 66 % du marché australien des latérites. A cette date, la SMSP exporte l’équivalent de 40 000 tonnes de nickel métal et de 750 tonnes de cobalt par an.
A la fin de l’année 1995, l’entreprise a multiplié par sept son niveau d’exportation de 1990. Elle devient alors le premier exportateur de minerai de Nouvelle-Calédonie. Le volume de ses exportations place l’entreprise au second rang mondial pour la production de minerais oxydés. Son activité génère environ 1 000 emplois directs et indirects.
• Mutation et recherche de partenariats industriels
La seule exploitation minière ne suffit pas à assurer un décollage économique de la région et à fixer les populations dans le Nord de la Nouvelle-Calédonie. Avec ses centres dispersés, l’extraction minière seule ne peut générer une dynamique économique urbaine propre à la Province Nord.
La SMSP doit viser le statut de fondeur. En 1994, elle engage une recherche de partenariats avec des sociétés métallurgistes pour accéder à la technologie et aux financements nécessaires pour devenir métallurgiste.
• Un partenaire de poids
Le géant canadien Falconbridge, numéro 3 mondial de la métallurgie à l’époque, se déclare intéressé par la constitution d’une « joint-venture » avec la SMSP. Le partenariat est officialisé en avril 1998 par André DANG VAN NHA et Oyvind HUSHOVD. La société Koniambo Nickel SAS (KNS) est créée.
La SMSP détient 51% du capital de la co-entreprise KNS. Elle apporte le gisement du Koniambo, son expertise professionnelle et son implantation locale. Son partenaire détient 49% du capital, amène les études de faisabilité et se porte garant du financement du projet et de la bonne fin d’exécution de la construction.
La SMSP inscrit dans sa stratégie la prise de participations majoritaires dans des actifs miniers et métallurgiques.
La SMSP devient doublement métallurgiste
Cette décennie est marquée par la finalisation de deux partenariats et le lancement de la construction de deux usines métallurgiques. La période déterminante marque l’entrée de la SMSP dans le domaine réservé de la métallurgie.
• L’usine du Nord sort de terre
En août 2006, Xstrata Nickel devient le nouveau partenaire du projet Koniambo après absorption de Falconbridge. Des accords sont signés pour la révision des coûts qui s’élèvent à 5 milliards USD en 2011. L’Etat français pour sa part accorde un agrément fiscal (Loi Girardin) qui permet le financement de la centrale électrique.
En mai 2013, suite à la fusion de Glencore PLC / Xstrata, Glencore PLC devient le nouveau partenaire de la SMSP. En août 2014, une nouvelle augmentation des coûts est annoncée portant le coût du projet à 7 milliards USD.
En mars 2007, les premiers travaux de construction sont lancés avec notamment les travaux de dragage du chenal de Vavouto en 2008. Les travaux de construction de la 1ère ligne de production sont achevés en décembre 2012 et KNS célèbre la première coulée de métal en avril 2013. En 2014, la seconde ligne de production est achevée et l’usine du Nord est inaugurée le 17 novembre 2014 par François HOLLANDE, Président de la République Française.
Au pic de la phase de construction, environ 5 400 travailleurs de plus d’une cinquantaine de nationalités différentes œuvrent sur le chantier. En phase d’opération, KNS aura créé 907 emplois directs, 450 emplois indirects (sous-contractants sur site) et quelque 2 500 emplois induits. 80% des employés de l’usine du Nord sont calédoniens.
• La confirmation du modèle de prise de participation
En 2006, un Mémorandum of Agreement (MOA) est conclu entre la SMSP et le géant coréen de l’inox, POSCO, pour la création deux co-entreprises NMC, Nickel Mining Company et la SNNC, Société du Nickel de Nouvelle-Calédonie et Corée. La NMC est chargée de l’extraction du minerai, lequel alimente l’usine de la SNNC située à Gwangyang en Corée du Sud. Les titres miniers de la SMSP sont transférés à la NMC. La SMSP devient actionnaire à 51% des deux entreprises, tandis que POSCO possède 49% des parts de chacune des entreprises.
L’usine métallurgique de la SNNC est construite entre juin 2006 et octobre 2008 pour un coût de 352 millions USD. Son entrée en production, le 20 octobre 2008, marque ainsi l’entrée de la SMSP dans le domaine réservé de la métallurgie. SNNC est officiellement inaugurée le3 novembre 2008 et a atteint sa capacité nominale en octobre 2009.Trois ans après son entrée en production, POSCO et SMSP décident, en août 2011, des travaux de la 2ème ligne de production inaugurée le 6 mars 2015. Les nouvelles installations permettent à la SNNC d’augmenter sa capacité de production annuelle, passant de 30 000 à 54 000 tonnes de ferronickel.
• Un partenariat avorté
La SMSP poursuit sa recherche de partenariat suivant un modèle de prise de participation. En février 2012, des discussions ont lieu avec le patron du groupe Jinchuan, Yang ZHIQIANG. La SMSP cherche à valoriser le minerai latéritique calédonien. Cependant, les discussions ne sont pas concluantes, et la SMSP décide de ne pas mettre à risque sa ressource dans un partenariat pour lequel elle n’aura pas pu obtenir la ressource suffisante, ressource latéritique se situant majoritairement en province Sud.
Défis pour KNS et diversification de SNNC
• KNS n’a pas atteint sa capacité nominale : problèmes techniques et COVID-19
Lors de son inauguration en novembre 2014, l’usine de KNS a une capacité nominale de production fixée à 60 000 tonnes de nickel par an. Cependant, dès la fin de cette même année, l’usine rencontre des problèmes techniques majeurs. Une fuite de métal causée par un interstice entre les briques réfractaires et le bloc de coulée nécessite des réparations sur les deux lignes de production. Cette panne conduit à une révision à la baisse de la capacité de production, qui est ajustée à 54 000 tonnes par an.
En 2018, des travaux techniques permettent une légère reprise, et la production atteint 28 300 tonnes, marquant une augmentation de 62 % par rapport à l’année précédente. Cependant, en 2020, la pandémie de COVID-19 perturbe gravement l’activité. La production chute de 29%, s’établissant à 16 900 tonnes.
En 2021, KNS fait face à des difficultés techniques, notamment des avaries sur la centrale électrique et sur un des deux fours de production. Ces problèmes empêchent l’usine d’atteindre ses objectifs, avec une production limitée à 17 000 tonnes de ferronickel. Toutefois, à partir du dernier trimestre 2021, la situation s’améliore progressivement. La remise en service du second four permet un redressement de la production de ferronickel.
• SNNC s’oriente vers la production de matte
Depuis 2020, la SNNC fait face à des défis majeurs parmi lesquels la pandémie de COVID-19, les événements climatiques et un marché du nickel plus compétitif, notamment avec l’essor du NPI et la hausse des coûts énergétiques. En 2021, la SNNC diversifie sa production vers le marché des batteries pour véhicules électriques pour produire à terme, 26 000 tonnes de ferronickel et 21 000 tonnes de matte.
Ce virage stratégique permet à l’usine de rester compétitive tout en participant à la réduction des émissions de CO2. En 13 ans, SNNC a produit 430 000 tonnes de nickel métal et versé 11 milliards XPF à la SMSP.
• SMSP : recherche de nouveaux partenaires
Le 22 mars 2021, le groupe SMSP et la société chinoise Yangzhou Yichuan Nickel Industry Co Ltd, procèdent à la signature d’un Memorandum of Agreement précisant les grands axes de leur projet de partenariat. Il repose sur l’obtention d’une participation majoritaire de 51% par la SMSP dans une usine pyrométallurgique située en République Populaire de Chine, pour la valorisation du minerai de basse teneur.
Suite à réorientation stratégique de son partenaire la SMSP, prend la décision de mettre un terme aux discussions en février 2023.
Crise du nickel calédonien : arrêt du financement par Glencore, mise en veille chaude puis froide de l’usine de KNS, émeutes en NC, plongent l’économie dans la crise
• Glencore annonce l’arrêt du financement de KNS
Le 27 septembre 2023, le groupe suisse Glencore annonce qu’il mettra un terme au financement de l’usine de Koniambo Nickel au 29 février 2024.
L’actionnaire de KNS, justifie sa décision par des problèmes financiers structurels et un environnement économique incertain, accentué par la baisse des prix du nickel et l’augmentation des coûts de l’énergie.
• Mise en veille chaude puis froide de l’usine du Nord, KNS
Le 29 février 2024 marque la suspension des activités « à chaud » de KNS pendant une durée de 6 mois, avec le maintien des effectifs salariés. Les contrats de la majorité des sous-traitants sont interrompus. Durant cette période, des travaux de maintenance et de réorganisation ont lieu au sein de l’entreprise pour se placer dans les conditions d’une reprise des opérations.
Au 31 août 2024, en l’absence de repreneur, environ 1 200 salariés sont licenciés et le site est mis en veille froide. Les deux fours sont éteints, c’est un cataclysme pour le site et pour toute la zone géographique.
Seule une centaine d’employés reste mobilisée sur le site de KNS dans un premier temps, puis environ 60 à partir de la fin décembre 2024, pour assurer la sécurité des équipements pendant toute la durée de la veille froide des installations.
La recherche d’un repreneur dans le cadre du processus de vente des actions de Glencore se poursuit. Le dossier de rachat des actions est piloté par une banque d’affaires.
• Les troubles en Nouvelle Calédonie
Les émeutes du 13 mai 2024 ont eu un impact sur l’activité minière de la NMC et donc de l’ensemble du groupe SMSP. Les centres miniers de Kouaoua et Nakéty ont subi d’importantes dégradations.
Au second semestre 2024, les centres de Ouaco, Poya et Kouaoua reprennent successivement leur activité, cependant le site de Nakéty demeure inaccessible. La baisse du volume de l’activité de la NMC entraine également celle des sociétés SNNC et Cotransmine. Le chômage partiel est validé par les syndicats pour une partie des effectifs, notamment au niveau des services supports à la NMC Ducos et à sur le site de Numbo pour la Cotransmine.